Deux ans après Lucie perd son cheval, Claude Schmitz revient à la réalisation avec L’Autre Laurens, polar réunissant Olivier Rabourdin, Louise Leroy, Marc Barbé, Kate Moran ou encore Edwin Gaffney au casting et se centrant sur l’investigation d’un détective privé à la dérive, se retrouvant à percer le mystère de la mort de son frère jumeau…

S’il a su se faire un nom sur les planches, Claude Schmitz tente de réitérer l’exploit dans le monde du septième art, figurant parmi les figures émergentes du cinéma belge depuis son premier long Braquer Poitiers, sorti en 2019. Pour son nouvel essai, ce dernier plonge dans l’obscur univers du polar à sa manière, puisant dans ses codes pour concevoir une œuvre-puzzle, où chaque pièce s’imbrique tant bien que mal pour former un tout volontairement ambigu.

Oscillant entre film noir existentialiste et néo-western un brin barré, L’Autre Laurens s’amuse ainsi à perdre le spectateur dans une intrigue où la dualité règne en maître tandis que l’on suit Gabriel Laurens, un détective privé complètement paumé devant se replonger dans son histoire familiale malgré lui. Un passé intime se rappelant à son bon souvenir en la personne de Jade, sa nièce, qui vient à sa rencontre avec une idée en tête. Faire la lumière sur l’accident de voiture ayant coûté la vie à son père François, qui n’est autre que le jumeau de notre agent privé de recherche. Soit le point de départ d’une quête de vérité synonyme de navigation en eaux troubles pour ce tandem apprenant à se jauger qui, à travers leurs pérégrinations au beau milieu des Pyrénées et leurs rencontres plus ou moins fortuites, vont démêler un nébuleux sac de nœuds.

Une intrigue qui, à première vue paraît somme toute classique, mais cela était sans compter sur la volonté de Schmitz, qui officie également à l’écriture, de sortir du cadre en multipliant les digressions et les ruptures de ton, faisant dès lors tout son possible pour brouiller les pistes et semer la confusion. À l’image de notre protagoniste qui, en suivant les traces de son défunt frère et se confrontant à un microcosme absurde peuplé de losers magnifiques (la palme revenant aux bikers de Perpignan), semble ironiquement retrouver un semblant de sens dans sa morne existence. D’où l’idée d’évoquer le terme de puzzle, qui paraît ici pertinent par la forme employée par le cinéaste pour nous embarquer dans son univers tantôt obscur tantôt fantasque. Si l’on distingue les tâtonnements pour trouver un semblant d’équilibre, on ne peut dénier que L’Autre Laurens bénéficie d’un identité propre, ce qui en fait sa spécificité.

Ainsi, si l’enquête de Gabriel – et par extension de Jade – s’éparpille plus que de raison, notamment à cause de ses (trop) nombreux écarts de conduite, à la fin du parcours la résolution de ce mic-mac tient la route. Ce qui est déjà un bon point, d’autant plus que cela ouvre une réflexion sur le patriarcat. En outre rajoutons un véritable effort de mise en scène de la part de Claude Schmitz, dont le savoir-faire théâtral se reflète à l’écran notamment concernant la notion de faux-semblants et qui parvient même à faire de la frontière franco-espagnole une terre de western. Niveau direction, le réalisateur donne également la part-belle à ses comédiens, à commencer par Olivier Rabourdin, attachant dans la peau du détective désabusé, mais surtout de Louise Leroy, la révélation du long-métrage, cette dernière apportant une dose bienvenue d’émotion à l’ensemble.

Cherchant à revisiter à sa sauce les conventions du polar, Claude Schmitz livre avec L’Autre Laurens une plongée en eaux troubles tantôt obscure tantôt absurde, peinant parfois à rester à flots en se démenant plus que de raison à la surface. Si sa trame principale fait de grands écarts en cours de route, la proposition du cinéaste ne manque pourtant pas de sel, ni d’ironie – tirant sa force de ses circonvolutions artistiques.

© Wrong Men/Cheval deux trois

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