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[Critique] En Place, si j’étais Président…

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Trois ans après Tout Simplement Noir, qui a donné un élan à sa carrière, lui permettant notamment d’être nommé aux César (dans la catégorie Meilleur Espoir Masculin), Jean-Pascal Zadi effectue son retour sur le devant de la scène avec En Place, une série Netflix que le comédien/réalisateur a créée en collaboration avec François Uzan. Comprenant au casting Eric Judor, Fadily Camara, Benoît Poelvoorde, Marina Foïs, Panayotis Pascot, Souad Arsane, Salimata Kamate, Fary ou encore Pierre-Emmanuel Barré, celle-ci se centre sur le parcours d’un éducateur propulsé candidat à la présidentielle…

Depuis Tout Simplement Noir, Jean-Pascal Zadi voit son champ des possibles s’élargir tandis qu’il gravit petit à petit les échelons dans le monde du septième art. Alors qu’on l’a aperçu ces derniers mois dans l’Année du Requin ou encore Fumer fait Tousser, le comédien délaisse le grand écran le temps de s’atteler à un projet personnel, débarquant sur Netflix pour mener à bien sa propre série – cocréée avec François Uzan. L’occasion de creuser davantage ses thématiques phares, comme l’inclusion et l’identité, des fils rouges se retrouvant dans la plupart de ses travaux, que ce soit dans la musique, sur le web, au cinéma et à la télévision.

Si le fond reste, la forme s’en voit quant à elle modifiée, le terrain de jeu offert par En Place permettant d’avoir de l’espace pour s’exprimer en toute liberté. Profitant de cette exposition, notre tandem de showrunners se lance dans une satire sociale et politique cristallisant des problématiques actuelles via le prisme de l’humour – afin de mieux pointer du doigt les inégalités fragilisant notre société. Prenant appui sur ce bien triste spectacle qu’aura été l’élection de 2022, où les candidats rivalisaient d’ingéniosité pour continuellement abaisser le niveau d’un cran en terme de grandeur d’âme, l’équipe créative avait comme feuille de route du matériel conséquent. De la réalité à la parodie, il n’y a qu’un pas et Jean-Pascal Zadi le sait très bien, s’y connaissant dans le domaine. Une expérience servant à donner le tempo d’une campagne plus vraie que nature, le trait n’ayant pas besoin d’être grossi, la sphère politique s’en étant chargée en personne.

Composée de six épisodes, En Place s’articule sur le plongeon – tête la première – d’un éducateur issu de la banlieue, nageant par la force des choses dans cet océan rempli de requins qu’est le milieu de la politique. Comme un chien dans un jeu de quilles, cet idéaliste qu’est Stéphane Blé va bouleverser l’échiquier mis en place, se retrouvant propulsé dans la course à l’Élysée après avoir fait sensation à la télévision, en renvoyant dans les cordes le maire de sa ville, accessoirement candidat aux présidentielles. Un buzz servant de point de départ à une aventure improbable pour notre idéaliste, se retrouvant du jour au lendemain sous la lumière des projecteurs. Se laissant convaincre par un dircab aux méthodes peu orthodoxes, ce dernier s’engage dans une campagne express, avec l’espoir de changer la donne et pourquoi pas, faire réellement bouger les choses.

Prenant le pouls du paysage hexagonal, cette comédie étrille les différents partis ainsi que la théâtralisation de ce monde diplomatique, bien aidé par les médias. Ce qui donne lieu à une immersion au cœur d’un panier de crabes, tous les coups étant permis pour faire tomber cet outsider ne maîtrisant pas la langue de bois, grapillant des points dans les sondages. Entre toutes ces magouilles pour le court-circuiter avant le verdict des urnes, Stéphane doit trouver sa place, aussi bien en public qu’en privé, cette ascension soudaine transformant en profondeur son quotidien. En clair, une trajectoire semée d’embûches, d’autant plus lorsque l’on est novice. Si elle sait jouer du décalage entre notre candidat, ses proches et les professionnels de la politique gravitant autour d’eux, En Place manque quelque peu de punch en terme d’efficacité et d’humour, grillant rapidement des cartouches avec un flash-forward ne laissant que peu de suspense quant à la tournure des événements. De ce fait, aussi pertinente soit-elle dans le développement de ses sujets sociétaux, du racisme à la précarisation de certaines fanges de la population, la série en garde bien trop sous le pied, ne dévoilant son réel potentiel que lors de ses deux derniers chapitres, quand les enjeux gagnent en puissance, que la partie se resserre.

Si scénaristiquement parlant le show ne remporte pas tous les suffrages, même si les pistes pour le futur (s’il y en a un) s’annoncent prometteuses maintenant que la piste est dégagée, il peut compter sur l’abattage de Jean-Pascal Zadi et de ses comparses pour donner le change. Outre notre tête d’affiche, toujours aussi attachant en paumé tentant de bien faire, saluons notamment la partition d’Eric Judor en dircab fourbe et pleutre ainsi que celles de Benoît Poelvoorde, Marina Foïs et Pierre-Emmanuel Barré en opposants politiques plus vrais que nature. La distribution est aux petits oignons, s’impliquant pour donner un réel cachet à ce bûcher des vanités politico-comique. Alors que les bases sont posées, le mandat d’En Place peut réellement commencer.

Aux côtés de François Uzan, Jean-Pascal Zadi nous livre une série humoristique dézinguant en toute simplicité le monde politique, En Place prenant le pas d’une farce sympathique pétrie de bonnes intentions mais manquant quelque peu de mordant pour réellement convaincre. Si l’écriture oscille dans les sondages, la prestation du casting est quant à elle à un bon niveau, aidant le public à s’investir dans cette campagne fictive. En clair, des débuts encourageants.

© Netflix