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[Critique] Mercredi, comme un Piranha hors de l’eau

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Vingt-trois ans après La Nouvelle Famille Addams, l’univers créé par Georges Addams effectue son grand retour sur le petit écran avec Mercredi, une création originale Netflix. Comprenant au casting Jenna Ortega, Catherine Zeta-Jones, Luis Guzmán, Gwendoline Christie, Jamie McShane, Emma Myers, Hunter Doohan, Joy Sunday, Percy Hynes-White, Isaac Ordonez ou encore Christina Ricci, cette série met en avant la fille des inénarrables Gomez et Morticia alors que cette dernière fait son entrée dans un établissement pour le moins spécial…

À la base des vignettes humoristiques, La Famille Addams a su instiller sa ‘joie de vivre’ sur le petit et le grand écran, se faisant d’ailleurs une place de choix à la télévision où elle a su s’épanouir dès le milieu des années 60. Avec Mercredi, s’opère ainsi un retour aux sources, au format sériel, sous l’égide du tandem Alfred Gough/Miles Millar à qui l’on doit notamment SmallvilleLes Chroniques de Shannara et Into The Badlands. Développée pour Netflix, cette itération a su susciter l’intérêt du public grâce à un nom, celui de Tim Burton, présent en tant que producteur exécutif et réalisateur aux côtés de Gandja Monteiro et James Marshall. Un présence non négligeable, surtout lorsque l’on connaît l’univers du cinéaste, qui se marie plutôt bien avec celui initié par George Addams. L’association entre ces différents partis a t-elle porté ses fruits ?

Comme l’indique son titre, la série tente de se démarquer des précédentes en se concentrant sur l’aînée de la fantasque fratrie Addams, Mercredi. Un personnage caustique aux répliques cinglantes se plaisant à semer l’anarchie et le chaos, comme nous avons pu le constater à maintes reprises par le passé (en particulier dans le diptyque cinématographique de Barry Sonnenfeld). Le potentiel était donc là pour que nous assistions à une pause récréative punk, dans l’horreur et la bonne humeur. Hélas, en préférant rester à peu près dans les clous de la formule ‘drama pour jeunes adultes’, l’équipe créative ne tire pas profit de la folie douce propre à la franchise, l’originalité se voyant progressivement gommé sur l’autel de la conformisme – ce qui est ironique à la vue des thématiques développées.

Composée de huit épisodes, le show nous fera suivre la fille de Morticia et Gomez alors que ses frasques l’amène à rejoindre les rangs de l’académie Nevermore, un établissement pour adolescents sortant de la norme. De quoi ouvrir la porte au genre fantastique, ces enfants particuliers ayant pour la plupart des pouvoirs ou descendants d’un bestiaire mythologique à l’image de loups-garous et sirènes pour ne citer que ces espèces. Intégrant malgré elle cette école pour la moins spéciale, dans laquelle ses parents ont su s’illustrer, notre héroïne fait office de piranha hors de l’eau, devant apprendre à nager avec ses congénères. Connaissant le caractère de cette chère Mercredi, rentrer dans le moule ne pouvait s’apparenter qu’à un jeu de massacre, où tous les coups sont permis. Ce que laisse poindre les premiers pas de celle-ci dans ce monde qu’elle ne connaît pas, avec son lot d’inimitiés à la clé, avant que la superposition d’intrigues dont on devine aisément les contours viennent limer les aspérités encourageantes de ces débuts à Nevermore.

S’ils parviennent à faire illusion en terme d’efficacité narrative, traçant une ligne directrice devant nous amener en toute simplicité d’un bout à l’autre de cette saison, Alfred Gough et Miles Millar retrouvent rapidement leurs tics d’écriture – qui ont par le passé pénalisé Smallville lorsqu’ils en étaient à la charge (ils furent remplacés après sept ans) – avec un manque de profondeur et de nuances. La question de l’intégration et de la différence, aussi pertinente soit-elle, n’est abordée que par des archétypes, qui transparaissent dans le déroulé des deux principaux mystères de la série. Les meurtres perpétrés par une créature surnaturel au cœur de la bourgade de Jericho et le rôle que pourrait jouer Mercredi face à une future menace, intrinsèquement lié à son propre héritage et à celui de Nevermore. Le spectre de la violence et de la discrimination se rappellent au bon souvenir des pensionnaires de l’académie, qui font office de marginaux dans une société américaine aseptisée.

Un sujet important mais malheureusement traité par dessus la jambe par nos showrunners, plus enclins à vouloir brouiller les pistes de leur Cluedo alors que des choix scénaristiques et artistiques ne laissent que peu de places au doute. Les ficelles sont bien trop apparentes pour que l’on se fasse réellement piéger par le jeu de dupes mis en place. Si on le retrouve ci-et-là, notamment quand Gomez, Morticia, Pugsley sont de la partie (ce qui est bien trop rare), l’esprit de La Famille Addams se voit dilué par la volonté de l’équipe en charge de proposer davantage un ersatz de Miss Peregrine. Calibrée pour plaire à un public cible sans chercher à provoquer de fausses notes, même au niveau de la réalisation, la carte Tim Burton n’étant pas une réelle plus-value, Mercredi trace son chemin en toute tranquillité, à l’image de sa protagoniste éponyme qui élargit ses horizons en arborant sa casquette de détective.

Si son cahier des larges limite sa qualité, le curseur méritant d’être grandement relevé, la série se laisse malgré tout regarder et ce grâce à l’abattage de Jenna Ortega, qui a parfaitement compris son alter-ego et prend un malin plaisir à souffler le chaud et le froid en terme de performance, à grands renforts d’une impassibilité à toutes épreuves et des saillies verbales qui font mouche. L’actrice fait le show et vole la vedette à ses camarades, devenant l’atout phare de Mercredi en faisant doucement passer la pilule quant aux approximations scénaristiques.

Si elle ne perd pas de temps avant de rentrer dans le moule de la série fantastique pour jeunes adultes – ce qui lui fait défaut – #Mercredi peut compter sur un atout majeur pour que le public réponde présent : Jenna Ortega.

Netflix