Sept ans après La Danseuse, Stéphanie Di Giusto effectue son retour derrière la camera avec Rosalie, qui comprend au casting Nadia Tereszkiewicz, Benoît Magimel, Benjamin Biolay, Guillaume Gouix, Gustave Kervern, Lucas Englander, Juliette Armanet ou encore Anna Biolay. Présenté en avant-première lors de la 24e édition de l’Arras Film Festival, le long-métrage nous plonge en plein XIXe siècle pour se concentrer sur le destin d’une jeune-femme ayant une particularité physique sortant de la norme…

© TRESOR FILMS – GAUMONT – LDRPII – AR TÉMIS PRODUCTIONS

Après avoir mis en lumière le parcours de Loïs Fuller, Stéphanie Di Giusto se consacre une nouvelle fois à un portrait de femme à l’aube de la Belle Epoque. Un ancrage lui permettant de scruter avec davantage de précision les conventions d’un temps révolu, où le sexe opposé devait se faire violence pour ne serait-ce qu’exister face à un système patriarcal dominant et ce par le biais d’un drame délicat portant sur le destin contrarié d’une demoiselle à la particularité physique étonnante.

Pour donner une caisse de résonnance à son récit la cinéaste, accompagnée de sa coscénariste Sandrine Le Coustumer, prend le parti le l’originalité avec un angle à première vue bien pensé. Pour renforcer le contraste propre à son analyse d’une société à deux vitesses selon le genre, Rosalie s’intéresse à la figure du ‘monstre’, populaire au XIXe siècle notamment avec la tenue de ‘freak shows’ où des personnes sortant de la norme sont exposés tel des bêtes de foire au yeux de tous. Ici, notre héroïne éponyme, jeune-fille charmante et érudit, souffre d’un dérèglement hormonal décuplant sa pilosité, entre autres au niveau du visage – ce qui en fait vulgairement parlant une femme à barbe. Un choix plutôt risqué, car imposant une certaine justesse pour ne pas en faire trop dans un sens comme dans l’autre, ne pas tomber dans le ridicule ni dans le pathos.

Et fort heureusement, l’intrigue développée ne tombe pas dans cette facilité, préférant jouer la carte de la pudeur pour développer ses thématiques, qui s’articulent autour de l’acceptation de soi mais également du jugement de son prochain et se reflètent dans la trajectoire en dents de scie de Rosalie alors qu’elle entame un nouveau chapitre dans sa vie. Mariée à un homme qu’elle n’a jamais rencontré, Abel, un tenancier de café ayant presque le double de son âge, notre protagoniste prend le chemin de la Bretagne au bras de son père pour être ‘remise’ à son époux, qui ne sait rien de sa situation. Comme elle le craint, cacher sa véritable nature ne sera pas chose aisée et le pot-aux-roses sera vite mis au jour, initiant une existence commune pour le moins compliquée, le rejet étant au rendez-vous de la part de sa moitié.

Un enjeu crucial qui se voit rapidement esquissé, déblayant ainsi le terrain pour que s’ouvrent d’autres pistes de réflexion quant à la place de la femme dans une société archaïque, préférant le rapport de force à la compréhension. En se montrant telle qu’elle est, premièrement dans un but revanchard, Rosalie s’expose au regard de la population locale et se confronte donc à la critique, à la peur, à la honte – mais également à la curiosité et ce pour le meilleur et pour le pire. Emprunter la route de l’émancipation n’est pas une mince affaire, ce que n’élude aucunement Stéphanie Di Giusto, qui livre une œuvre féministe emplit d’amertume, en particulier dans son dernier acte, où les obstacles traversés modifient le paradigme du couple formé avec Abel mais accentuent la détresse de notre héroïne.

Pourtant, en dépit de sa mise en scène feutrée où les jeux de regards sont légions, ainsi que de la partition du tandem Nadia Tereszkiewicz/Benoît Magimel, qui parviennent à retranscrire avec finesse les nuances de Rosalie et Abel, difficile de réellement se laisser embarquer par le film. En cause, la retenue inhérente à une écriture somme toute classique au final, empêchant le récit de réellement prendre son envol. Comme dit plus haut, c’est à l’approche de son final qu’un soupçon de tension couplée à une dose de poésie viennent y donner du corps.

Avec Rosalie, Stéphanie Di Giusto dresse le portrait d’une femme tentant de mieux vivre sa différence par le biais d’un drame doux-amer qui, malgré des pistes pertinentes, reste trop dans la retenue pour réellement convaincre.

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