Neuf ans après avoir mis en scène aux côtés d’Alexandros Potter L.A. Superheroes, la réalisatrice serbe-américaine Yelena Popovic effectue son retour derrière la caméra avec L’Homme de Dieu. Un drame retraçant un pan de la vie de Saint Nektarios d’Égine, réunissant une distribution internationale qui comprend Aris Servetalis, Alexander Petrov, Christos Loulis, Tonia Sotiropoulou ou encore Mickey Rourke. Récompensé par pas moins de onze prix lors de sa tournée des festivals, ce long-métrage se concentre sur les épreuves traversées par cette figure de l’Eglise orthodoxe au cours de sa carrière…

Pour sa première réalisation en solo, Yelena Popovic s’évertue à mettre en lumière le parcours tortueux d’un grand nom du culte orthodoxe, qui, s’il est actuellement canonisé et célébré par les croyants, fût longtemps calomnié de son vivant. De cette ambivalence, la cinéaste en tire une œuvre se voulant délicate et sans artifices, laissant de côté la démonstration – l’un des tropes majeurs de ce genre de productions communément appelés ‘faith based movies’ – pour se concentrer sur la résilience d’un homme de foi. De quoi rendre un hommage sincère à celui que l’on nomme le « prêtre des gens ordinaires ».

Officiellement reconnu comme saint par le Patriarcat de Constantinople en 1961, Saint Nektarios (ou Saint Nectaire en français) aura connu des hauts mais surtout des bas au cours de sa carrière dans les ordres, ses convictions profondes ayant eu des conséquences drastiques sur son existence. Ce qui est le point d’ancrage de L’Homme de Dieu, qui s’affaire à nous montrer que malgré les obstacles se dressant face à lui, notre ecclésiastique a su rester sur le chemin auquel il s’était destiné. Comme le dit l’expression, les voies du Seigneur sont impénétrables, un constat que l’on retrouve dans ce long-métrage. Officiant à l’écriture de ce biopic, Popovic s’attèle ainsi à dresser le portrait d’un être dévoué faisant fi de ses états d’âmes pour se consacrer en tout et pour tout à son prochain, en privilégiant l’humain dans le traitement de ce sujet religieux.

Au cœur de cette hagiographie, la désillusion d’un représentant de l’Eglise, conspué par ses pairs sans que ce dernier n’en sache réellement les raisons, un rejet jetant le discrédit sur ses travaux et sa renommée. Alors au fait de sa carrière en tant qu’évêque métropolite de la Pentapole (territoire de l’actuelle Lybie), Nektarios – de son véritable nom Anastásios Kephalas – a été démis de ses fonctions, une partie du clergé craignant de le voir devenir prochain patriarche d’Alexandrie – sa popularité grandissant auprès des fidèles. Expulsé de son poste sur l’autel de la jalousie, notre homme s’est retrouvé à fuir l’Egypte et à se réfugier en Grèce. Un exil qui lui servira au final d’exutoire, ce revers le rapprochant davantage de sa mission principale, comme en témoigne l’intrigue développée par la réalisatrice, qui se sert de ce coup du sort pour alimenter son récit, soulignant la bonté de ce saint en devenir.

Evitant de tirer sur la corde sensible et de prendre la direction du mélodrame – le sujet s’y prêtant – L’Homme De Dieu s’articule sur un angle plus subtil, se concentrant sur la nature profonde de son personnage central. A l’image de ce dernier, le film transmet des valeurs universelles sur le partage et le don de soi, en toute simplicité. En terres grecques, le chemin se dessinant devant le prêtre l’entraînera à évoluer, spirituellement et professionnellement – même si les blessures de cette injustice passée ne sont jamais loin. Face à l’adversité, Nektarios ne cessera de surprendre par son humilité et son calme, une aura qui transpire dans chaque pore du métrage. Tour à tout prédicateur, théologien et écrivain, ce serviteur de Dieu saura gagner le cœur de bon nombre de croyants, de par son sens du relationnel, de la pédagogie sans oublier ses dons de thaumaturge. Un point non éludé par la profession de foi de Yelena Popovic, qui parvient à rester cohérente dans sa démarche en ne jouant pas d’effets superflus et appuyés pour l’aborder – l’essentiel étant de mettre en avant l’humain.

Ce que nous rappelle la performance sensible d’Aris Servetalis, qui porte ce drame sur ses épaules, l’acteur étant de tous les plans et se révélant convaincant dans la peau de Saint Nectaire d’Égine. Il est par ailleurs bien aidé par la direction de sa réalisatrice, dont la maîtrise de la mise en scène apporte un cachet non négligeable à cet écrin entre l’instauration d’une atmosphère intimiste ainsi que le soin porté à la photographie – oscillant entre couleur vives et teintes sépia du plus bel acabit.

Avec L’Homme de Dieu, Yelena Popovic se livre à une hagiographie de Saint Nektarios mettant en lumière le combat de ce dernier pour continuer à servir son prochain malgré les obstacles, pour un drame sur la foi et la résilience qui se démarque parmi les productions récentes du genre en privilégiant la simplicité et la justesse pour rendre hommage à cette figure de la religion orthodoxe – hier dénigré, aujourd’hui célébré.

© SAJE Distribution

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