La réalité dépasse parfois la fiction. C’est ce qu’on notamment pu notamment constater Charlie Brooker et Annabel Jones, les têtes pensantes de Black Mirror, avec l’improbable année que nous avons collectivement vécue. Que faire quand ce qui relevait de la dystopie devient notre quotidien ? Une question à laquelle ont pensé les deux showrunners et – à défaut de proposer un épisode inédit de leur série à succès – ils ont préféré joué la carte de la dérision avec Mort à 2020, un faux documentaire comprenant au casting Samuel L. Jackson, Hugh Grant, Lisa Kudrow, Cristin Milioti, Joe Keery, Tracey Ullman, Samson Kayo, Leslie Jones, Diane Morgan, Kumail Nanjiani ou encore Laurence Fishburne et retraçant durant près d’une 1h10 les (trop) nombreux évènements qui ont secoué la planète en un an…

Rire de l’année écoulée et de son lot d’épreuves peut s’avérer cathartique pour certains et cela semble être le cas de Charlie Brooker et Annabel Jones qui, avec Mort à 2020, nous concoctent un mockumentaire caustique revenant avec un certain humour sur l’escalade de catastrophes qui ont emmaillé l’année venant de s’achever.

Rétrospective mêlant images d’archives et entretiens fictifs, un décalage permettant de dresser un commentaire acerbe sur un monde qui ne tourne plus rond, ce documentaire met un point d’orgue à pointer du doigt l’absurdité qu’a été 2020, non sans une certaine ironie puisque tout est malheureusement véridique. Ce passage en revue de l’actualité chaotique de ces douze derniers mois a du matériel à foison pour étayer son propos et l’équipe créative – composé d’une dizaine de scénaristes Brooker inclus – ont eu l’embarras du choix pour faire leur sélection de désastres à échelles plus ou moins variables, avec une préférence concernant ce qui a affecté les différents pays anglo-saxons. De ce fait, Mort à 2020 est un bric-à-brac nous remémorant les incendies dévastateurs en Australie ayant eu lieu en Janvier, point de départ brûlant d’une année abracadabrantesque où le coronavirus a semé la pagaille en mettant à mal notre façon de vivre et où les problèmes sociétaux ont été exacerbés – notamment sur le sol américain avec les émeutes liées au meurtre de George Floyd.

Ces deux virus ainsi dépeints à travers les différentes vidéos, à savoir la COVID-19 et la bêtise humaine, servent à Charlie Brooker et ses co-scénaristes qui s’en donne à coeur joie pour tacler les racistes, les idiots utiles et surtout les politiques à commencer par Donald Trump et Boris Johnson, dont les agissements prennent une place prépondérante dans ce zapping – étant les principales têtes de turc du documentaire, auxquels viennent se greffer la Reine Elizabeth II et Joe Biden, permettant de ratisser large entre l’élection présidentielle, l’avènement des fake news et du deep fake, soulignant le fait d’être vigilent sur la véracité des informations. Il n’y a plus de doute Black Mirror est devenue obsolète car la dystopie, c’est maintenant.

La lourdeur propre à cet enchaînement d’événements est contrebalancé par le ton adopté où l’emphase est mise sur la satire, ce qui en fait l’attrait principal de ce Mort à 2020. Si nous sommes face à une critique de la société actuelle, on aurait tout de même espéré que celle-ci soit plus féroce car malgré un départ en fanfare, l’humour poil à gratter laisse vite place à un résultat trop gentillet et surtout inégal. Un déséquilibre que l’on ressent dans la partie fictive du documentaire avec des intervenants plus ou moins intéressants à écouter. Devant la caméra de Charlie Brooker, Al Campbell et Alice Mathias, nous pouvons apercevoir un casting solide qui clairement s’amuse à prendre part à ce délire, il est dommage de voir que tous n’ont pas le droit à la même efficacité d’écriture.

Nous retenons avant tout la partition des énergumènes faisant à écho à « l’idiocracy » dans laquelle nous nous enfonçons à l’image d’une Lisa Kudrow impayable en porte-parole adepte de la fake news, un Hugh Grant s’éclatant en historien à la crédibilité plus que limite – persuadé que Star Wars et Game Of Thrones se sont réellement déroulés dans notre monde – mais surtout une Cristin Milioti hilarante en « Karen », l’une de ces nombreuses femmes racistes que nous avons pu voir se ridiculiser sur les réseaux sociaux ces derniers mois. Un panel représentatif de la décadence notre société, ce qui est donc drôle et triste à la fois.

S’il ne tient pas toutes ses promesses, la faute à une écriture inégale et une critique retenant ses coups, Mort à 2020 reste un exercice de style plaisant à suivre, Charlie Brooker et Annabel Jones offrant un mockumentaire qui possède ses bons moments et nous amuse, même s’il est tout de même angoissant de voir la vitesse à laquelle s’effondre les fondements de modèle social. Bienvenue dans Black Mirror.

© Netflix

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